06 Août 2003
Manifestations face à l’ambassade d’Espagne.
Les Mapuches réactivent les campagnes
de dénonciation internationales.
Par Carlos Millahual.
L’inattendue manifestation qui a rassemblé de nombreux dirigeants
Mapuches des VIII et IX régions du sud du Chili, a été
dirigée par le leader pehuenches Berta Quintreman, qui n’a toujours
pas permuté avec Endesa les terres qu’elle possède dans l’Alto
Bio Bio pour la construction trés polémique de la centrale
Ralco.
Des dirigeants et des membres d’une dizaine d’organisations Mapuches de
la zone sud du pays ont protesté lundi dernier face à l’ambassade
Espagne à Santiago, rejetant la construction de la centrale hydroélectrique
Ralco dans la zone de la cordillère de l’Alto Bio bio, Ralco, projet
impulsé par l’entreprise espagnole Endesa et qui selon les organisations
indigènes et écologistes représente une grave violation
de divers traités internationaux de droits de l’homme et de protection
des écosystèmes locaux, comme l’a reconnu, durant sa visite
dans la zone de conflit, il y a quelques semaine le rapporteur spécial
des Nations Unies pour les peuples Originaires, Rodolfo Stavenhagen.
La manifestation organisée par la Coordination des Organisations
et Identités Territoriales Mapuches qui regroupe une cinquantaine
d’organisations des territoires pehuenches, lafkenche, wenieche et warriache,
a été menée par la dirigeante pehuenche Berta Quintreman,
femme emblématique de la résistance indigène à
Endesa Espagne et une des rares qui n’a toujours pas permuté ses
terres à la transnationale énergétique espagnole, arrêtant
de cette façon la mise en place définitive de ce barrage très
polémique dans le dit secteur de la cordillère.
Parce qu’ils ne sont pas arrivés à obtenir un entretien avec
le chef diplomatique de la représentation espagnole, Alfonso Ortiz,
les dirigeants Mapuches ont remis une lettre adressée au responsable
diplomatique pour protester contres les pressions fortes exercées
par Endesa sur les familles qui s’opposent au projet et le retardent, comme
aujourd’hui, en inondant plus de 3500 hectares correspondant au lac artificiel
qui alimentera la centrale. Suite à cette action, des membres des
délégations Mapuches se sont enchaînés à
la porte du bâtiment diplomatique, exigeant de cette manière
la fin “du colonialisme mercantile” d’Endesa et le retrait des
intérêts espagnols du territoire Mapuche Pehuenche.
Selon ce qu’ont déclaré les dirigeants à la fin de
la manifestation face au palais présidentiel de la MONEDA , cette
action comme d’autres qui se sont déroulées les dernières
semaines interviennent dans le cadre de une réactivation des campagnes
de dénonciations contre la transnationale espagnole et l’administration
du Président Ricardo Lagos, au moment précis où termine
le temps pour que le gouvernement réponde face à la cour interaméricaine
des droits de l’homme de l’OEA sur les actes de l’état chilien pour
ou contre les pehuenches dans cet emblématique et interminable conflit.
Décision de l’OEA
Il faut se souvenir que récemment la Commission interaméricaine
des droits de l’homme (CIDH) de l’OEA, a notifié au gouvernement
chilien une accusation pehuenche pour violations des droits de l’homme
à leur encontre, exigeant qu’il adopte tous les moyens nécessaires
en faveur des familles pehuenches opposées à Endesa Espagne.
De la même manière la décision de la CIDH sollicite expressément de l’état qu’il s’abstienne de réaliser
toute action qui modifierait le “statu quo” du conflit pour
la construction du barrage Ralco, au moins jusqu’à ce que la dite
instance internationale se prononce définitivement sur le cas.
Pourtant, la non application de la part du gouvernement chilien et de
l’entreprise Endesa Espagne des indications émanant du plus important
organisme interaméricain, a provoqué plus tard la réactivation
des mobilisations Mapuches dans la zone sud du pays contre le méga
projet, allant jusqu’à une dénonciation directe du cas,
le 10 juin dernier devant le secrétaire général de
l’OEA, César Gaviria, dans le cadre de sa visite officielle au
Chili pour la réalisation de la XXXIII assemblée générale
de l’organisme à Santiago. A cette occasion, une délégation
de la coordination des organisations et identités territoriales
Mapuches lui a remis une lettre dénonçant l’attitude irresponsable
de l’état chilien face aux recommandations de l’organisme international.
“Concernant ceci nous signalons que tout le temps accordé
par la CIDH a expiré et l’état chilien n’a respecté
aucun des accords adoptés, situation qui viole et attente aux droits
collectifs du peuple mapuche…. De la même manière, nous
dénonçons que l’état chilien contrevient aux accords
souscrits au niveau international et contrevient aux principes et critères
les plus basiques de la même OEA, puisqu’il ne reconnaît pas
les droits concernant notre forme traditionnelle de propriété
collective et utilisation de la terre, territoire, ressources, eaux, et
zones côtières, conditions qui sont nécessaires pour
notre survie, organisation sociale, développement, spiritualité
et bien être individuel et collectif”, ont-ils déclaré
dans leur missive.
Le gouvernement, sous pression suite à ces actions de dénonciations
développées par les organisations Mapuches, a tenté
de négocier durant les derniers mois un “accord amical”
entre les familles pehuenches et l’entreprise Endesa Espagne chargée
du mega projet, mais la décision de investisseurs étrangers
de ne pas paralyser le chantier dans la zone cordillera, faisant sienne
la stratégie du “fait accompli” et son attitude persistante
consistant à ne pas respecter les dispositions de la loi indigène
19 253 ont finalement fait capoter la dite tentative gouvernementale,
laissant à la cour interaméricaine des droits de l’homme
l’évaluation de la responsabilité de l’état chilien
dans le cadre du présent scénario de conflit. |