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14 mai 2012 Elicura Chihuailaf, la poésie tendre et humaniste. Le poète chilien d’origine Mapuche est de passage à Marseille pour la cinquième édition du festival littéraire Colibris. Attablé à une terrasse de café, sa pensée fait se rencontrer amour de la terre, souffrance des peuples indigènes et vision humaniste… ![]() Aurélie Roperch http://www.marsactu.fr/ Elicura Chihuailaf choisit une Pelforth brune pour rafraîchir son palet peu accoutumé à la chaleur marseillaise. Les températures sont en effet peu clémentes en ce moment dans le sud du Chili. Une bière forte et brune pour un homme sobre vêtu de couleurs sombres et qui dégage une force tranquille. Le poète chilien est l’un des auteurs invités au festival littéraire Colibris qui fête cette année les Voix Indigènes. Une thématique originale pour donner la parole aux écrivains de langues amérindiennes à qui on laisse peu de place en Amérique latine à cause, en autre, de la prédominance historique de la culture hispanique. Elicura Chihuailaf Nahuelpan a un nom aussi complexe que l’histoire des origines de son peuple. L’Araucanie ou région des grands lacs, au sud de Santiago, est la région du peuple indien Mapuche – les "hommes de la terre". Ils parlent le Mapudungun, la "langue de la terre", une des nombreuses langues amérindiennes peu connues car peu retranscrites en littérature. Environ 200 000 Mapuches vivent en Argentine et 1200 000 au Chili. Un poète non enterré Je suis une herbe sèche faisant des signes à la pluie*, la poésie d’Elicura Chihuailaf est rafraîchissante, colorée, mais surtout simple par son hommage à la nature. Le festival Colibris présente le chilien comme un poète engagé. Pourtant l’intéressé ne se voit pas de cette manière. La poésie dite engagée ne lui est pas venue comme une évidence. "Mon intention n’était pas d’écrire de la poésie". Elicura Chihuailaf s’est mis à écrire pour continuer les conversations de son enfance. Ces moments où ses grands-parents racontaient histoires et contes devant la famille réunie. Il voulait surtout retrouver les sensations de cette époque. Ces écrits furent ensuite remarqués et définis comme de la poésie. "Je me suis rendu compte que de parler de ce qu’on connaît et aime, cela se traduit par une sorte de revendication car une pensée, une vision du monde en découle" décrit-il. La poésie engagée d’Elicura Chihuailaf est surtout un engagement de tendresse envers son peuple et la nature. Selon lui, "la Terre ne nous appartient pas, c’est nous qui appartenons à la Terre. Si on cause des dommages à la Terre, on se fait du mal à nous-mêmes. Nous devrions traiter la Terre comme elle nous traite : en prenant petit bout par petit bout". Engagé, certes, mais pas au sens politique que l’on connaît. Il différencie sa "parole poétique qui fait appel au merveilleux en nous", de notre "sens occidental" qui s’apparente davantage à la défense d’un objet qu’il soit matériel ou immatériel. Des modernités qui s’opposent Elicura Chihuailaf ne s’engage pas dans des actions précises et locales pour son peuple. Beaucoup d’autres communautés souffrent, d’après lui, que ce soit au Mexique, en Équateur, au Chili. Et le dénominateur commun est l’impérialisme du capitalisme mondial. Même si cette analyse paraît manichéenne, le poète veut surtout expliquer que son peuple et d’autres en souffrance, ont une vision différente de la modernité. Une notion de progrès incompatible avec les intérêts financiers de multinationales qui rasent des forêts, expulsent des populations pour l’exploitation de différentes ressources, comme les ressources minières, l’eau… Son peuple n’est pas fermé à tout progrès. "La question se pose justement en interne: quel type de progrès est possible sans ravager la nature et non basé sur le concept de mieux". Dans la logique de sa pensée, quand il y a "mieux" pour certains, cela se fait forcément au détriment d’autres. Le festival Colibris est une bonne opportunité pour converser. "C’est le mieux qui puisse arriver à notre peuple." Elicura Chihuailaf explique que de l’autre côté de l’Atlantique son peuple est vu comme un peuple feignant, notamment car il prend du temps pour "faire la conversation". "La terre nous attend toujours, alors qu’une bonne conversation, on ne peut pas la laisser passer." Ce festival permet vraiment de faire tomber les frontières car "nous avons les mêmes besoins. Les rêves de tous se ressemblent." Héritier de P. Neruda et G. Mistral Elicura Chihuailaf n’est pas seulement poète, il est enseignant, mais aussi orateur, essayiste et traducteur en Mapudungun. Ses premiers ouvrages datent de la fin des années 1970. De Sueños azules y contrasuenos sorti en 1995, a notamment alimenté le recueil du festival de quelques extraits. Plus récemment, l’œuvre du chilien a trouvé sa place dans la revue éditée par le Centre international de poésie Marseille, Cahiers du Refuge, numéro 100, d’octobre 2001. Le poète chilien est également connu pour avoir réalisé une anthologie de poèmes de Pablo Neruda traduits en langue Mapuche et a également participé à plusieurs recueils où apparaissent des poèmes de Gabriela Mistral. |
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