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Dossier:Benetton

13 novembre 2004
Le ventre de “une”
Les Mapuches patagons en bataille contre Benetton.
Rome de notre correspondant

Protagonistes de l’histoire : la famille Benetton, les Indiens Mapuches de Patagonie et le Prix Nobel de la paix argentin Adolfo Perez Esquivel. Premier propriétaire terrien du sud de l’Argentine, avec ses 900 000 hectares où ont été investis 80 millions de dollars dans l’élevage ovin, le groupe textile italien s’est retrouvé en conflit avec un couple d’indigènes qui avait occupé un lopin de terre.

La justice a donné raison aux Benetton, mais en termes d’image le prix risque d’être élevé pour les célèbres fabricants de pulls colorés. Luciano Benetton avait proposé 2 500 hectares “de bonne qualité” à la communauté indigène à travers M. Perez Esquivel, venu en Italie pour le sommet annuel des Nobel de la paix. Le lauréat argentin avait été choisi “pour son intégrité” et “sa connaissance de la Patagonie”, afin d'”utiliser ces terres de la manière la plus adéquate au bénéfice des populations indigènes locales”, expliquait M. Benetton. Ce geste “symbolique, mais à la fois concret”, dans la ligne de la “philosophie d’entreprise”, était la clé pour retrouver une “unité dans la diversité des peuples de Patagonie”.

Mais les Mapuches ont refusé de jouer le jeu. “On ne peut pas se faire offrir une terre qui vous appartient déjà”,ont plaidé leurs représentants, présents eux aussi à Rome pour l’occasion. Le médiateur n’a pas voulu non plus jouer le rôle que Benetton avait imaginé pour lui : “Personne ne peut servir de garant pour des terres qui ont déjà appartenu au peuple mapuche, encore moins un Prix Nobel de la paix”, a déclaré Adolfo Perez Esquivel.

Le Prix Nobel avait pris la défense du couple d’Indiens dans leur litige avec la Compania de Tierras Sud Argentino, contrôlée depuis 1991 par la famille Benetton. Dans le style David contre Goliath, le procès avait passionné l’Argentine. Atilio Curinanco et Rosa Nahuelquir avaient occupé un terrain de 385 hectares, jusqu’au jour où les policiers étaient venus les chasser. Les titres de propriété présentés par la Compania de Tierras Sud Argentino ont convaincu les juges, mais pas l’opinion publique. Ces terres, octroyées par l’Etat à dix grands propriétaires terriens anglais à la fin du XIXe siècle, sont devenues pour les Argentins le symbole d’une “injustice nationale”.

Salvatore Aloïse

• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 14.11.04
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